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Neurinome stade 4, 1 an après l'opération histoire et bilan.

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petiteisoline
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Neurinome stade 4, 1 an après l'opération histoire et bilan.

Message par petiteisoline » ven. 30 mars 2018 08:51

Demain cela fera un an que j’ai été opérée d’un neurinome de l’acoustique stade 4. J’apporte ici mon vécu, mon histoire. Afin qu’un jour, peut-être, une personne, à qui on vient de diagnostiquer ce truc barbare, qui a peur, lise ces lignes et se dise que l’histoire peut aussi se finir bien car on écrit rarement sur internet pour dire que les événements se sont bien déroulés.

Alors voici mon histoire : j’ai 30 ans lorsqu’on me découvre ce neurinome. Nous sommes en juin 2016 je viens d’accoucher de mon second enfant, ma « grande » a 2 ans et demi. Cet été là le rythme est soutenu, les nuits hachées, les repas avalés sur le pouce, je suis fatiguée, mais comme tout jeune parent. Je remarque bien durant l’été qu’il me semble avoir des picotements sur la langue, côté gauche, j’ai toujours l’impression d’avoir cette partie de langue « froide » comme si je venais de manger un menthol, mais franchement j’ai bien d’autres choses à faire que d’aller chez le médecin pour un truc aussi ridicule. Je me dis que cela doit être un champignon quelconque dû à la fatigue. Nous rentrons de vacances et à la visite des 2 mois de mon fils, à la fin du rendez-vous, j’en parle à ma docteure. Maintenant j’ai en plus l’impression d’avoir les lèvres qui picotent à gauche. Elle m’écoute, attentivement, alors que moi je suis presque en train de m’excuser parce que mes symptômes sont tellement ridicules, elle me propose d’aller voir un stomatologue, qui établira une « carte » des zones qui ont une sensibilité altérée. Elle me dit que l’hypothèse la plus probable ait qu’il s’agit de quelque chose de neurologique. Je rie, j’ai 30 ans et c’est impensable. Elle me répond gentiment « mais Mme. M. il s’agit du coté gauche de votre visage, et uniquement de ce côté-là ». Je suis professeure de SVT, j’ai étudié la neurologie à la fac, je connais tout ça, ou du moins les grandes lignes, comment ai-je pu ne pas voir qu’il ne s’agissait que d’une seule partie de mon visage ? Comment ?

J’obtiens un rendez vous chez le stomatologue un mois après. J’y vais confiante, même s’il semblerait que cela s’étende. Avec le recul, oui bien sûr cela avait évolué, mais sur le moment je refuse de m’écouter. Le stomato cartographie en touchant différentes zones de ma langue / lèvres / visage cette fameuse zone « avec une sensibilité différente ». La seule chose qu’il me dira c’est qu’il doit y avoir une « compression » quelque part dans mon cerveau sur un nerf. Je dois passer une IRM, mais pas d’urgence, me dit il sinon il m’aurait envoyé passer un scanner. Là je commence clairement à me dire que oui y’a quelque chose et que oui ça va être grave.

J’appelle pour une IRM cérébrale on me propose un mois et demi plus tard. J’accepte et je raccroche. Les jours passent et l’angoisse monte, je suis désormais persuadée qu’il y a quelque chose. Je rappelle et leur demande de me contacter s’il y a un désistement, même de dernière minute, afin que je passe l’IRM au plus tôt. Le coup de fil arrive au bout de 15 jours, je file là-bas. Attente, injection, IRM, je suis dans la cabine en train de me rhabiller quand un médecin entre et me dit « nous venons d’examiner votre IRM, vous avez une lésion au niveau de … » le reste se perd, je souris je suis en train de mettre mes bottes, « une lésion ? qu’est-ce que cela signifie ? qu’est ce que vous entendez par lésion ? » « Une masse de 3 cm qui commence à compresser votre tronc cérébral, mais rassurez vous ce n’est pas grave, ce n’est pas cancéreux, vous sortez d’ici et vous prenez rendez vous avec un neurochirurgien et … » le reste se perd, mon cerveau a bloqué à « neurochirurgien », tempête sous mon crane : les neurochir n’existent que dans grey’s anatomy, ce sont des gens qui ouvrent des boites crâniennes, et ce type me dit de prendre « simplement » rendez-vous avec un neurochir, mais il pense que j’ai ça dans mon répertoire ?
J’ai mis une seule de mes bottes, je suis bloquée, je demande « mais j’en trouve un où de neurochir ? » Réponse : Orléans, Tours, ce n’est pas ce qui manque. Au revoir Madame, vous patienterez dans la salle d’attente pour recevoir l’IRM.
Euh merci, je sors dans cette fichue salle d’attente pleine à craquer. Je n’ai pas compris grand-chose, je sais jusque que contrairement à ce qu’il me dit, cela doit être grave, on ne se fait triturer le cerveau en en ressortant indemne. Je m’effondre dans les WC, bredouille à la secrétaire que je sors prendre l’air en attendant ce fichu compte rendu. J’appelle ma mère, je lui dis seulement que c’est grave, je suis confuse, je ne sais même plus ce que je dis à mon mari. J’appelle ma docteure, la secrétaire me la passe je suis inconsolable et confuse elle me demande de passer immédiatement dès que j’ai le compte rendu.

Voiture, je ne sais pas comment je rentre, je pleure, j’appelle une amie véto, c’est ma docteure privée, parce qu’après tout nous ne sommes que des Mammifères et c’est une véto géniale. Elle me rassure autant qu’elle peut, me dit d’attendre, de parler à ma docteure.

J’arrive au cabinet médical, pour la première fois je me retrouve dans ce petit couloir adjacent à la salle d’attente. Ce petit couloir contient deux chaises, c’est le couloir des urgences, celles qui font que tous les médecins du cabinet ont systématiquement du retard, celles qui me font toujours pester quand je suis de l’autre coté à attendre. Ajour hui c’est moi qui suis là, en pleurs, chaque minute d’attente est insoutenable, il faut que je lui raconte, il faut qu’elle me dise ce que je dois faire, parce que là, tout de suite je ne sais pas.
Je vais rester près d’une heure dans son cabinet, elle va m’écouter, lire, rechercher des infos. Elle va garder mon dossier tout le Week end et appeler lundi différents hôpitaux pour voir qui doit m’opérer, qui est bon dans le domaine. Elle n’a vu cela qu’une seule fois dans sa carrière, je m’en remets à elle, j’ai confiance et de toute façon je suis perdue.
Ensuite c’est un tourbillon qui commence, contacter le neurochir, aller déposer le dossier au secrétariat, attendre (une semaine) qu’il soit lu, qu’on me recontacte, la liste des examens à faire, le rendez-vous fixé avec le neurochir et avec l’ORL (pourquoi faut-il un ORL ???) Une première date de poser pour l’opération le 3 janvier 2017 mais qui sera repoussée au 31 mars.
Rencontre avec l’ORL : c’est un interne qui gère le début de la visite, il regarde l’IRM, semble halluciner je pose des questions mais en fait j’en sais plus que lui, je le sens très mal, il a peur de dire une bêtise. Le professeur arrive et très doucement très gentiment il va nous montrer nous expliquer, ce qu’est le neurinome, comment on va faire pour l’enlever, pourquoi ils opèrent à 4 mains, un ORL et un neurochir, que sur une échelle de 1 à 4 mon neurinome est à 4, que la voie d’accès entrainera une coupure du nerf auditif et du nerf vestibulaire gauche…. En langage normal, ça veut dire que je perds l’audition à gauche définitivement ainsi que l’équilibre. J’avais lu des choses sur internet, je m’en doutais, mais là ça devient réel. Je n’ai qu’une obsession qu’une seule question « est ce que je pourrais retravailler après » oui me dit il mais il m’explique aussi que le neurinome est adjacent au nerf facial qui permet de bouger la partie gauche du visage et que le simple fait de disséquer la tumeur va mettre ce nerf « au repos ». Je lui demande de préciser ça veut dire que je ne pourrais plus bouger la partie gauche du visage ?? » « Oui, pour 15 jours, 1 mois ou pour plus longtemps si le nerf se rompt et où on est obligé de faire un greffe de nerf ça peut prendre jusqu’ à 2 ans »
Bon ben là comment vous dire, c’est la claque, la grosse claque, le truc qui me mets par terre… Je peux enseigner en étant a moitié sourde. En étant paralysée au visage à gauche, mon élocution peut être mauvaise entre autres chose … bref …. Ça sent le roussi. Alors en attendant l’opération je me plonge dans le travail, je bosse, je vis chaque cours avec une intensité folle, j’adore ça.

A 15 jours de l’opération rendez vous anesthésiste, une amie m’accompagne. Tout se passe comme tous les rendez-vous anesthésiste que j’ai fait, jusqu’à ce qu’elle écrive sur ma fiche une demande pour 6 poches de mon groupe sanguin. Re claque « pour une opération comme la vôtre, c’est tout à fait courant de demander du sang, on préfère en avoir sous la main » Je sors et je m’effondre auprès de mon amie. J’ai une trouille monstrueuse j’ai peur d’y rester. Là dans ce couloir minable dans un sous-sol d’hôpital je vais lui dire ce que je veux en termes d’arrêt des soins si je suis un légume, elle sait que je veux donner mes organes je lui redis. Je ne réussirais pas à en parler à mon mari, elle saura, elle sera là pour témoigner. Elle ne rigole pas, ne se moque pas. Elle prend les choses au sérieux, ce dont j’ai terriblement besoin. J’ai besoin de me dire que si tout s’arrête dans 15 jours, mon mari et mes enfants ne seront pas sans rien.
Je ne retournerai pas travailler après cette journée, une peur viscérale de mourir fera que je passerai ces derniers jours avec ma famille.

Je suis rentrée au bloc le vendredi 31 mars à 7 heures, j’en suis ressortie à 19h30. Je ne me souviens pas de grand-chose de ma première nuit, si ce n’est quelques délires dus à l’anesthésie (il me semblait marcher sur les murs …), et des vomissements toutes les 30 minutes. Il me semble bien dans toute ce brouillard que je suis capable de parler normalement et de bouger mon visage normalement. Les 4 mains ont fait un travail d’orfèvres, je ne suis pas du tout paralysée, je suis aux anges ! Après 48 heures de surveillances intensives on m’enlève peu à peu les tuyaux le scope, les perfs, et je suis transférée en ORL, je continue de vomir je ne mange pas, mais je m’en fiche, je suis vivante et pas paralysée. Je suis coincée dans mon lit pendant 48 heures de plus, les doc pensent que je perds du liquide céphalo rachidien par le nez alors obligation de ne pas bouger. Je sais qu’au minimum je dois rester 10 jours, j’ai souvent des moments de découragements : la joie d’avoir le droit de me lever, et vite assombrie par la difficulté immense que j’ai à me déplacer. Je ne pense qu’à mes enfants, ma fille trois ans, mon fils 8 mois, comment vais-je faire pour m’occuper d’eux ? Je dois récupérer, je dois absolument récupérer vite. Les soignants sont formidables, les aides-soignantes, les infirmières, les internes. Les visites de staff me font marrer je suis un peu l’ovni je suis jeune, pas paralysée, certains externes semblent avoir 16 ans, ça ressemble à Grey Anatomy (avec le D. Shepard en moins)
A J+9 je descends en fauteuil en bas de l’hôpital, vertiges nausées, beaucoup beaucoup trop de bruit. . . Je sors finalement à J+11 j’ai une autonomie de marche de 20 mètres mais c’est toujours mieux que le fauteuil. Etre passager en voiture, l’horreur, nausées incessantes trop de bruit. J’essaye de conduite à J+3 semaines je fais 200m et je m’arrête prise de nausées. Ah bon je ne peux pas conduire ? Heu non on me l’avait pas dit ! Ah ça va revenir ! Et quand ?
Je n’ai plus de gout par contre, c’est normal ? Oui cela va revenir … Ah flute moi j’adore manger… je me retrouve à avoir un gout de carton pour tous les aliments. Comme promis cela revient … au bout de quelques semaines.

Alors, quel bilan depuis 1 an ?

15 séances de rééducation vestibulaires : aujourd hui, je conduis très bien seul le brouillard me donne la nausée. Je fais même du vélo !

20 séances d’orthophonie pour apprendre la lecture labiale, très pratique pour piéger les élèves qui papotent dans le fond de la classe et qui pensent que je ne les entends pas ! (Non mais je les vois !). Plus sérieusement, cela m’aide beaucoup lorsque l’environnement est bruyant, encore faut-il que la personne fasse un effort d’articulation, mais cela m’amené un confort.

Des progrès incessants depuis le deuxième jour après l’opération, je pense que le fait que mes deux enfants soient en bas âge y est pour beaucoup. J’ai un mari formidable et une famille et belle famillle qui nous ont beaucoup aidé. Mais je ne pouvais me résoudre à ne pas m’occuper d’eux comme « avant ». C’est sans doute à cela que je dois ma récupération rapide, eux n’avaient rien demandé et avaient le droit d’avoir leur maman. J’ai couru en septembre les 10 km de tours soit 5 mois et demi après l’opération, le bruit, le monde ca a été, une légère envie de vomir au départ mais une furieuse envie d’y arriver. Je les ai fait dans le même temps qu’avant l’opération 1h12, ça ne fait pas de moi une flèche mais si je vous dis cela c’est juste pour vous dire que j’ai tout récupéré.

Un appareillage tout nouveau tout beau du labo Mendel (modèle Adhear) : au moment de l’opération l’ORL m’avait parlé du système BAHA qui nécessitait une opération pour installer un pilier dans le crane et venir clipser l’implant dessus. En novembre est sorti l’audioprothèse Adhear que j’ai testé et approuvée. Ce n’est malheureusement pas un bouton on / off mais elle m’amène un confort indéniable en classe et une tolérance au bruit plus importante. Pour avoir lu des témoignages l’implant semble super, mais aujourd’hui la simple idée de repasser sur le billard me terrorise alors ça sera Adhear pour quelques années.

J’ai repris mon travail à 50 % thérapeutique, je viens de le passer à 70%. Je serais à 100% l’année scolaire prochaine. C’est toujours aussi bien de donner des cours à mes collégiens, même si cela me fatigue bien entendu plus vite qu’avant (ou bien est-ce l’âge ?)

Je suis à moitié sourde, je ne pleure que d’un œil, mes enfants ont appris que dire « je suis là » ne me permets pas de savoir où ils sont, mes élèves ont compris qu’un « madame » sans lever la main ne me permet pas de savoir qui me parle, je dois être très vigilante quand je traverse car je ne sais jamais de quel côté vient le bruit de la voiture qui arrive, je suis coiffée comme princesse Amidala à cause de mon audioprothèse, je tends toujours l’oreille droite et je fixe les lèvres des gens (mais ils ne s’en rendent pas compte !) mais à part ça je suis la même. Enfin plus tout à fait, car d’être passée aussi prêt d’y rester (dans ma tête, car pour mes chirurgiens il n’a jamais été question que j’y reste !!!) m’a profondément changée, tout est « plus » (+), je suis plus heureuse, plus en colère contre les injustices, plus entière. Je sais que l’horloge tourne et je ne veux pas perdre de temps et je sais que la vie ne tient pas à grand-chose alors j’essaye d’en profiter au maximum. Je mesure l’immense chance de voir mes enfants grandir. Ce n’est plus la même vie qu’avant l’opération, mais c’est une belle nouvelle vie quand même.

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Serge
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Re: Neurinome stade 4, 1 an après l'opération histoire et bi

Message par Serge » ven. 30 mars 2018 10:13

Merci beaucoup petiteisoline pour ce témoignage.
Et comme tu le dis profite bien de cette "belle nouvelle vie" ;) .
Amicalement,
Serge

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