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Témoignage d'un amoureux de la musique

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kinoute
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Témoignage d'un amoureux de la musique

Message par kinoute » ven. 3 sept. 2010 18:51

Bonjour,

Je m'appelle Yann, je viens d'avoir 23 ans j'habite près de Paris et depuis février 2010 je suis passé hyperacousie moyen/fort selon les jours avec des acouphènes très aigus et très fluctuants. Voici mon histoire. J'ai découvert la musique électronique à l'âge de douze ans, bercé par la techno de detroit et par les Daft Punk, je n'ai plus quitté, mon walkman, mon lecteur CD, ni mon lecteur mp3 depuis cet âge. Je ne pouvais concevoir un jour sans musique. Ca peut paraître banal de dire ça mais pour moi c'était vraiment un besoin vital, et pourtant je n'avais aucune connaissances musicales. J'ai toujours écouté trop fort la musique, au casque, sur les enceintes, dans les écouteurs, toujours. Je ne nie absolument pas que je suis aujourd'hui dans cet état à cause d'excès, d'excès de ma part, d'erreurs de jeunesses, qui aujourd'hui, à 23 ans, me pénalisent lourdement. Je ne reprocherai donc dans ce post aucun discours foireux d'ORLs ou de spécialistes qui m'auraient mal orienté, la seule chose que je regrette dans ce monde c'est que la prévention auprès des jeunes ne soit assez suffisante, que des boule-quiès ne soient pas distribuées gratuitement en boite, et dans tous les concerts (à peine quelques festivals en distribuent gratuitement). Si mon état s'améliore je serai près à aller témoigner dans les écoles pour montrer les risques des baladeurs mp3s.

A 17 ans, en juin 2004, je cherchais de nouvelles enceintes, un système 5.1 car c'était à la mode à l'époque et je voulais changer d'enceintes pour mon PC. Les enceintes étaient très bonnes, sauf que j'ai négligé leur configuration et que je me suis retrouvé, pendant 5 ans durant, avec des enceintes qui crachaient quasiment que de l'aigu. Pendant toutes ces années, au casque, aux enceintes, je me suis donc pris des sons aigus sans m'en rendre compte, en jouant à des jeux video de guerre, je vous laisse imaginer sur le long terme les coups de feu sur counter-strike dans les enceintes ou dans le casque avec des aigus mal réglés. Le problème vient de là, on a aucune notion de tout ça lorsqu'on est jeunes. L'audition, la musique, c'est comme le tabac au final, sur le coup, ca nous procure du plaisir, ca comble un manque, on ne ressent absolument pas de douleurs. En boite, en concerts, la plupart des jeunes sont alcoolisés à la limite du coma, on ne ressent absolument pas les décibels. Mais tôt ou tard, on en paye le prix.

Pendant plusieurs années donc j'ai fragilisé mes oreilles inconsciemment, pour moi les conséquences de tout ça auraient été juste une petite d'audition ou des sifflements (que j'ai toujours eu je pense, depuis mon plus jeune âge donc pas de gênes pour moi). Je n'avais aucune idée qu'il y avait à l'époque d'autres maladies, d'autres handicaps qui pouvaient arriver suite à un trop plein de musique, comme l'hyperacousie. Je n'ai connu ce mot que l'année dernière. Bref, en 2007 je suis parti cinq mois à Hawaii, pour faire un break dans mes études et me trouver. J'en suis revenu épanoui, avec des projets d'avenir bien cousus. Là, les premiers problèmes sont arrivés. J'ai commencé à me plaindre de céphalés. Malgré le passage chez le neurologue et le scanner, on a rien trouvé. A l'époque je n'avais absolument aucune idée qu'il pouvait y avoir un rapport entre les céphalés et l'hyperacousie. Maintenant je le sais. Mon neurologue m'a prescrit du laroxyl et les céphalés (qu'il qualifiait de neuro musculaires car j'étais trop tendu) ont quasiment disparues. J'ai donc repris mon train de vie habituel, musique tous les jours et caetera.

Puis à la rentrée 2008, je suis rentré dans une école supérieure d'ingénieur du son à Paris, école que doit connaitre Nicko car nous avons une connaissance en commun qui était dans cette école jusque cette année (Gauthier). Là, ma vie a basculé, je suis passé du simple fana de musiques, à un actif, qui mixe en soirées, qui se produit, qui crée de la musique. Je faisais donc encore plus de musique, sur des enceintes toujours aussi chaotiques sans que je m'en rende compte. La vie parisienne n'a fait que m'enfoncer également, j'ai découvert les sorties, les grosses boîtes parisiennes et tous les excès possibles et imaginables auxquels on a accès. Chaque soir je rentrais dans ma petite ville de banlieue et je mixais, je créais des morceaux, je m'arrachais littéralement les oreilles. Les premiers symptômes sont apparus lorsque je jouais trop avec les filtres passe haut sur mes mixes (en gros je laissais passer que les fréquences aigues) je me rendais compte que mes oreilles n'aimaient absolument pas. Le combo enceintes boostées dans les aigues + filtre passe haut était suicidaire, je vous laisse imaginer les aigus que j'ai pris.

Puis en avril 2009, je suis sorti un soir, en boite comme de nombreuses fois, au social club. Une boite hype de la capitale, très petite donc sensation de son très fort devant la scène. Ce soir-là je suis sorti de la boite avec un pote, à moitié sourd. Comme si j'avais des boule-quies. Les problèmes ont commencé là. Le lendemain la surdité était partie mais l'hyper s'est installée progressivement. Je suis passé hyper léger sans le savoir, je ne supportais plus par exemple les snare de batterie à volume fort. Je suis donc allé voir l'ORL le plus proche. Il m'a fait faire un audiogramme, petite perte de -20db à 13khz sur l'oreille gauche et rien à droite. Il m'a fait aussi le test pour le reflex strapédien qui m'a bien tué l'oreille. Il m'a sorti une phrase dont je me souviendrai toute ma vie "c'est normal d'être sensible à certains sons à votre âge". Fin de la consultation.

J'étais tellement pas rassuré que j'ai commencé à me renseigner, j'ai tapé "hypersensibilité sons" sur internet et c'est là que j'ai découvert le pot aux roses : l'hyperacousie. Pendant l'été 2009, je vivais à peu près normalement, je pouvais encore écouter de la musique aux écouteurs mais pas très longtemps sinon l'oreille chauffait. Mais je vivais encore. Je suis allé voir un spécialiste des techniciens du son et des musiciens à l'hopital de Clichy pour savoir si je pouvais continuer mes études d'ingé son malgré mon hyper. Il m'a dit oui pas de soucis et, après un audiogramme fait cette fois-ci dans une chambre silencieuse, il m'a ordonné de me faire faire des pianissimos -15db pour le boulot et pour les sorties que j'ai continué. Pour me rassurer, il m'a même montré un audiogramme du patient juste avant, un rockeur, c'était castatrophique à partir des 3khz. Je me demande si cet homme est encore vivant si il a continué les concerts lui aussi.

J'ai donc continué mon école cette année, et j'ai empiré mon état progressivement, sans véritablement m'en rendre compte. Tiens le son de la porte qui claque me dérange, tiens les personnes qui toussent dans le train m'agacent etc. Je me disais que c'était à cause de la fatigue (j'avais une hygiène de vie pourrie, couché tard, levé tôt etc). Janvier 2010 je pars à Londres, je sors partout, je prends tout et n'importe quoi, je m'amuse. Février 2010, je suis invité à mixer à côté du sacré-coeur pour une soirée hype. Pendant les balances, un mec lance une musique dans un silence total alors que je suis pres des enceintes. J'ai eu très peur et je pense que c'est un second trauma que je prends ici. Je fais la soirée tout de même. Une semaine après l'hyper moyenne s'installe. Tous les sons me provoquaient des sueurs froides pas possibles, des palpitations, j'avais compris que j'avais été trop loin, que je n'avais pas su m'arrêter. J'ai fini mon année dans la douleur. J'ai même mixé à la soirée post-partiels car j'étais trop alcoolisé alors que je supportais pas quelqu'un qui se mouche à côté de moi en temps normal pour vous dire la connerie. Depuis d'avril je suis dans le même état maintenant. Je supporte plus vraiment ma voix, ni celle des autres, je ne peux plus écouter de musique à volume normal ce qui me tue littéralement. Mes acouphènes sont devenus des vrais acouphènes, des nouveaux, des sirènes. Pour valider ma deuxième année, j'ai effectué un stage à Paris. 8 semaines de souffrance avec boule quies. J'ai évité le trauma à Paris, mais je m'en suis payé un nouveau chez moi devant ma fenêtre, dans un village de 1000 habitants (alors que j'allais tous les jours à Paris avec bouchons) avec un abruti qui a fait hurler sa corne de brume dans ma rue pour la coupe du monde. Tellement eu peur que j'en suis tombé de ma chaise. Malgré le traitement d'urgence (le premier que je prenais!) Nouvelle aggravation dont je me remets à peine aujourd'hui 2 mois après. Aujourd'hui j'ai pris un an de break avec mon école, je souhaite juste valider mon diplome pour me réorienter, mais je ne pouvais pas repartir sur Paris dans cet état tout de suite, j'ai besoin de repos à la campagne car j'ai l'impression que mon état ne fait qu'empirer sans que j'y puisse quelque chose.

Tous mes rêves sont brisés, mon hyper forte date de six mois et c'est encore dur de s'avouer que mixer est une chose que je ne pourrais sûrement plus jamais faire de ma vie. Ni les concerts. Tout ce que je demande c'est de pouvoir parler normalement, sans avoir mal, parler avec les autres, les supporter eux et leur voix, et pitié, pouvoir écouter de la musique. Je ne peux pas m'en empêcher chaque jour d'en écouter, même très bas, et je m'enfonce encore un peu plus chaque jour dans un état plus douloureux car oui maintenant l'hyper n'est plus simplement une gêne mais elle est douloureuse. Ma vie est brisée à 23 ans à cause d'excès et d'erreurs de jeunesse. Si vous êtes du genre à sortir et écouter votre musique dans les transports en commun, faites très attention, ça va très vite. En un an j'ai brisé ma vie. Même les boule-quies ne suffisent pas des fois et faites attention au volume qu'on a tendance à augmenter pour masquer le bruit ambiant dans le métro. Ma vie, en tant qu'amoureux de la musique, n'a plus grand intérêt. Mes parents ne seraient pas là, je me serais déjà pendu. Chaque son soudain me fait mal, me fait peur, tous les sons que je ne contrôlent pas, qui ne viennent pas de moi, sont mes ennemis. Je suis passé du petit parisien qui s'amusait et profitait de la vie enfin, à une personne enfermée qui évite les contacts. J'ai un an à la campagne pour voir comment mon état va évoluer, mais vu l'avancée des recherches, je n'ai pas vraiment d'espoir que ça s'améliore, je pense pire, que ça va empirer. J'essaye différents traitements actuellement (rivotril, antidepresseur, homeopathie, osthéo, antioxydants), en vain, je suis allé trop loin. Je ne vis plus, je survis. J'ai heureusement encore la possibilité d'utiliser mon ordinateur quotidiennement (je ne fais que ça pour dire) alors que d'autres plus atteints ne le peuvent plus. Je suis doué en informatique ce qui me permet une prochaine reconversion que j'espère facile.

Alors à toutes les personnes qui liront ce message, et qui ont encore la chance de pouvoir sortir dans la rue sans souffrir, qui peuvent écouter leur groupe préféré le sourire aux lèvres, faites attention à vous, et ne vous faites pas piéger par l'alcool et aux dérivés qui vous font perdre la notion du volume. Protégez-vous, cette m****, c'est comme le SIDA, il suffit d'une fois pour que ça vous gâche la vie à jamais, pris au piège entre les acouphènes qui vous empêchent de rester dans le silence, et l'hyperacousie qui vous coupe dee tout lien social et qui rend tous les sons invivables. Quand je vois des gens avec leur casque sur les oreilles, j'en suis jaloux maintenant. Quand je regarde les vidéos de soirées, j'ai les larmes aux yeux, cette sensation dingue d'être derrière les platines, je ne l'aurais plus jamais, et ça, c'est très dur à admettre.